Le tailleur de pierres
Pierre était tailleur de pierres et se disait
parfois que son prénom avait déterminé le choix de son métier.
Pourtant, il n’était pas heureux, il jalousait
les puissants car il était de caractère envieux.
Un jour, il vit passer le roi sur son bel étalon
noir. « Ah, s’écria-t-il, si seulement je pouvais être roi, je serais comblé ».
La fée de la montagne l’entendit et, sur le champ, le changea en roi : la
couronne d’or, le manteau de pourpre, tout était là, même le pur sang noir qu’il
enfourcha, se lançant en un galop effréné. Rapide comme la flèche, il franchit
une longue distance et arriva dans un endroit où soufflait un vent violent, qui
lui arracha sa couronne.
Pierre se dit : « je voudrais être le vent, je serais encore
plus puissant ».
A peine le vœu formulé, il fut réalisé.
Transformé en tornade, il jubilait, arrachait tout ce qu’il pouvait, les
feuilles des arbres, qui grondaient de mécontentement, des chapeaux à en faire
collection et même, de temps à autres, des toitures pour faire bonne figure.
C’est ainsi qu’un jour il arriva devant une superbe et haute montagne qui
demeura imperturbable devant ses assauts répétés. Il y mit toute son énergie en
vain. La montagne ne bougeait pas. Il finit par s’essouffler et dit, tout en rage,
devant l’insuccès de ses efforts : « je voudrais être la montagne, elle est
plus forte que le vent ».
Et il devint montagne. Il jouit pleinement de sa
stabilité puis, un jour, un bruit le tira de sa torpeur. Il n’en revint pas :
un tailleur de pierre s’attaquait à l’une de ses parois. Il tenta de résister,
rien n’y fit. Des pans de roche étaient détachés puis débités par le tailleur
de pierres qui en façonnait divers objets.
Pierre se dit : « je voudrais être tailleur de pierres » il est
plus fort que la montagne.
C’est ainsi que Pierre redevint tailleur de
pierres mais cette fois, il sut apprécier son métier.
Marcelle Gerday